
Oubliez la course aux îles célèbres ; la vraie magie de la Croatie, c’est l’art de disparaître chaque soir dans une nouvelle crique.
- La clé n’est pas un itinéraire fixe, mais une « zone de jeu » où l’on choisit son mouillage au dernier moment, en fonction de la météo et de l’envie.
- L’autonomie (énergie, eau) est la condition de la liberté absolue, permettant d’éviter les foules et les coûts des marinas.
Recommandation : Cessez de planifier des destinations et commencez à planifier des expériences : des nuits au mouillage, des dîners en konoba et des journées de baignade loin de tout.
L’image est connue : la Croatie, c’est ce chapelet de 1244 îles et îlots baignant dans une mer Adriatique d’une clarté insolente. Une invitation à la croisière, un appel du large. Spontanément, le plaisancier qui prépare son voyage ouvre les guides et trace une route : Split, Hvar, Korčula, Mljet, Dubrovnik. Une collection de trophées, une course aux escales célèbres, souvent synonyme de flottilles de location, de marinas bondées et de soirées au port au milieu de la foule estivale.
Pourtant, cette approche, si logique soit-elle, passe à côté de l’essence même de l’archipel dalmate. Et si la véritable richesse de la Croatie ne se mesurait pas au nombre d’îles visitées, mais au nombre de nuits passées en totale autonomie dans une crique déserte ? Si le but n’était pas la destination, mais l’art de vivre un bivouac nautique quotidien ? Cette philosophie, c’est celle du Robinson Crusoé moderne : un hédoniste épris de liberté qui comprend que le plus grand luxe n’est pas un emplacement au quai, mais le silence d’un mouillage au coucher du soleil, le clapotis de l’eau contre la coque et la certitude d’être seul au monde.
Cet article n’est pas un itinéraire de plus. C’est un mode d’emploi pour transformer votre croisière en Croatie en une succession de micro-aventures. Nous allons délaisser la carte postale pour la carte marine, apprendre à dénicher le refuge parfait, maîtriser les techniques d’amarrage en pleine nature et vivre en harmonie avec les éléments, tout en découvrant les trésors cachés que sont les « konobas ». Préparez-vous à changer de perspective : la Croatie n’est pas une liste de ports à cocher, c’est un terrain de jeu infini pour qui sait jeter l’ancre.
Ce guide est structuré pour vous accompagner pas à pas dans cette approche de la navigation. Vous y découvrirez les méthodes pour trouver votre havre de paix, les techniques pour vous y installer en toute sécurité, et la culture locale qui rendra votre expérience inoubliable.
Sommaire : Explorer la Croatie crique par crique
- L’art de choisir sa crique : la méthode pour trouver le mouillage parfait chaque soir
- Ancre, bout à terre ou bouée : quelle technique d’amarrage pour quelle situation en Croatie ?
- La « konoba » : le trésor caché de votre croisière en Croatie
- Mouillages payants et parcs nationaux : ce qu’il faut savoir pour naviguer en règle en Croatie
- Une semaine de rêve depuis Split : un itinéraire 100% mouillages
- La Méditerranée : le guide honnête pour en profiter au maximum (et éviter ses pièges)
- Vivre en autonomie : la routine quotidienne pour ne jamais manquer d’énergie
- Il n’y a pas de « meilleure » destination, il y a seulement celle qui est faite pour vous : le guide des grands bassins de navigation
L’art de choisir sa crique : la méthode pour trouver le mouillage parfait chaque soir
La quête du mouillage idéal n’est pas une science exacte, mais un art mêlant observation, préparation et une touche d’instinct. Oubliez la planification rigide des semaines à l’avance. En Croatie, la décision se prend le jour même, transformant chaque fin d’après-midi en une excitante chasse au trésor. L’objectif n’est pas de trouver un simple abri, mais *votre* abri : celui qui correspond à l’humeur du moment, à la météo et à votre désir de solitude ou de convivialité. Pour cela, il faut apprendre à lire le paysage et les cartes marines au-delà des indications évidentes. Une chapelle isolée sur une colline ou un petit cimetière en bord de mer sont souvent des indices d’abris ancestraux, utilisés par les pêcheurs depuis des siècles pour se protéger des vents dominants comme le Bora (vent froid et violent du nord-est) ou le Jugo (vent chaud et humide du sud-est).

Cette approche opportuniste est la clé pour vivre une expérience authentique. Elle demande de la flexibilité et l’acceptation qu’un plan A peut échouer. Une crique repérée sur la carte peut s’avérer surpeuplée ou mal abritée. Avoir systématiquement un plan B et C à proximité est non seulement une mesure de sécurité, mais aussi une garantie de sérénité. Comme le montre une expérience rapportée par un couple de navigateurs français, il est tout à fait possible de passer plus de 100 jours en Croatie en n’utilisant que très rarement les mouillages payants. Leur secret réside dans cette stratégie : privilégier les mouillages forains gratuits, même à proximité des zones très touristiques, et ne jamais se laisser décourager par une première tentative infructueuse. C’est la preuve que la liberté en Croatie est accessible à ceux qui osent s’écarter des sentiers battus.
Plan d’action : Votre méthode pour sélectionner un mouillage en Croatie
- Attendre 16h : Ne vous précipitez pas. Observez la fréquentation réelle des criques en fin d’après-midi et l’évolution de la météo locale avant de faire votre choix final pour la nuit.
- Consulter les communautés : Utilisez les groupes Facebook spécialisés sur la navigation en Croatie et les applications locales pour obtenir des informations en temps réel sur l’occupation des mouillages et les bons plans.
- Lire les indices sur la carte : Repérez sur les cartes marines les signes de présence humaine ancienne (chapelles, cimetières, ruines) qui signalent souvent des abris sûrs et éprouvés.
- Préparer des alternatives : Identifiez systématiquement 2 à 3 options de mouillage (Plan B et C) dans un rayon proche pour ne jamais être pris au dépourvu par une crique surpeuplée ou inconfortable.
- Viser l’autonomie : Privilégiez l’autonomie énergétique (panneaux solaires) et en eau (bouteilles) pour vous affranchir de la nécessité des marinas et vous offrir le luxe de choisir les criques les plus sauvages.
En adoptant cette méthode, chaque soirée devient une récompense, le fruit d’une décision éclairée plutôt que d’un itinéraire subi.
Ancre, bout à terre ou bouée : quelle technique d’amarrage pour quelle situation en Croatie ?
Trouver la crique parfaite est une chose, s’y installer en toute sécurité en est une autre. La topographie croate, avec ses criques étroites et ses fonds qui tombent rapidement, impose de maîtriser plusieurs techniques d’amarrage. La méthode du « tout ancre » qui fonctionne dans les vastes baies de sable est souvent inadaptée ici. Le bout à terre (ou « aussière à terre ») est la technique reine du mouillage-bivouac en Croatie. Elle consiste à jeter l’ancre par l’avant, puis à reculer vers la rive pour frapper une ou deux aussières sur un rocher ou un arbre. Cette méthode permet de stabiliser parfaitement le bateau dans un espace restreint, d’éviter l’évitage (le cercle de rotation du bateau autour de son ancre) et de se positionner au plus près de la nature. C’est la garantie d’une nuit tranquille, même si la crique se remplit.
Bien sûr, il existe des alternatives. Les bouées de mouillage, qu’elles appartiennent à une concession privée ou à une konoba, offrent une solution de facilité et de sécurité maximale, particulièrement appréciée par gros temps ou lorsque l’on arrive tard. Leur utilisation a un coût, mais il est souvent justifié par la tranquillité d’esprit qu’elles procurent. Le choix de la technique dépendra donc de la configuration de la crique, de la météo, de votre équipement et de votre envie du moment.
| Technique | Situation idéale | Matériel spécifique | Coût moyen |
|---|---|---|---|
| Bout à terre | Criques étroites, fonds tombants rapides | 100m de bout flottant, gants, annexe | Gratuit |
| Ancre seule | Baies ouvertes, fond de sable | Ancre adaptée + 5x profondeur de chaîne | Gratuit |
| Bouée de concession | Zones très fréquentées, protection maximale | Aussière d’amarrage | 20-40€/nuit |
| Bouée de konoba | Proximité restaurant, soirée à terre | Aucun | Gratuit (avec repas) |
Connaître ces méthodes, c’est s’offrir la liberté de s’adapter à toutes les situations et de profiter de chaque mouillage, du plus sauvage au plus organisé, en toute confiance.
La « konoba » : le trésor caché de votre croisière en Croatie
Après plusieurs jours en autonomie complète, le besoin de remettre pied à terre, de savourer un repas sans cuisiner et de renouer avec la civilisation se fait sentir. C’est là qu’intervient la konoba, une institution croate bien plus qu’un simple restaurant. La konoba-mouillage est le refuge du navigateur hédoniste. Accessible uniquement par la mer, souvent gérée par une famille depuis des générations, elle offre un corps-mort ou une bouée gratuite en échange d’un repas. C’est un pacte gagnant-gagnant qui rythme la vie dans les archipels. L’authenticité est son maître-mot : ici, pas de carte à rallonge, mais un menu oral basé sur la pêche du jour et les légumes du jardin. Il est d’ailleurs sage de se méfier des établissements avec des menus imprimés en six langues et qui acceptent la carte bancaire ; les plus authentiques fonctionnent souvent uniquement en espèces.

Le plat emblématique de la konoba est la « Peka », un mélange de viande (souvent de l’agneau ou du veau) ou de poulpe et de légumes, cuit à l’étouffée sous une cloche de fonte recouverte de braises. Sa préparation lente exige de le commander plusieurs heures à l’avance, idéalement le matin même en réservant sa table et sa bouée par VHF. C’est un rituel qui fait partie intégrante de l’expérience. Certes, l’addition peut être conséquente, car selon les témoignages de plaisanciers français naviguant régulièrement en Croatie, les prix sont au moins aussi élevés qu’en France. Mais ce coût inclut la sécurité du mouillage pour la nuit et, surtout, une immersion inoubliable dans la culture dalmate.
Pour vivre pleinement cette expérience, quelques codes sont à connaître :
- Réserver par VHF : Appelez sur le canal 16 puis basculez sur le canal de travail indiqué par la konoba pour réserver votre table et votre bouée, souvent pour le soir même.
- Repérer l’authenticité : Privilégiez les lieux accessibles uniquement par la mer, dont la production locale est visible (oliviers, vignes, potager) et qui n’affichent pas de terminal de paiement.
- Anticiper la Peka : Commandez ce plat traditionnel 3 à 4 heures à l’avance, typiquement lors de votre appel VHF matinal.
- Faire confiance au chef : Acceptez le menu oral, gage de fraîcheur et de saisonnalité des produits.
- Prévoir du liquide : De nombreuses konobas isolées n’acceptent que le paiement en espèces (Kuna ou Euro).
La konoba n’est donc pas une simple escale, c’est une destination en soi, un moment de partage qui ponctue délicieusement la solitude choisie du bivouac nautique.
Mouillages payants et parcs nationaux : ce qu’il faut savoir pour naviguer en règle en Croatie
Naviguer en mode Robinson ne signifie pas naviguer hors-la-loi. La Croatie a mis en place une réglementation précise pour encadrer la plaisance, et la connaître est essentiel pour une croisière sereine. La bonne nouvelle est une simplification notable des procédures. Depuis 2014, la fameuse vignette rouge à apposer sur la coque n’est plus obligatoire, tout comme la liste d’équipage certifiée. Cependant, tout bateau étranger doit toujours s’acquitter d’une taxe de navigation. Cette démarche se fait au bureau de la capitainerie (Lučka Kapetanija) du premier port d’entrée. Des points d’entrée permanents sont répartis tout le long de la côte, de Umag au nord à Dubrovnik au sud.
Concernant les mouillages, la philosophie est simple : ce qui n’est pas explicitement payant est gratuit. Les zones payantes sont clairement identifiées par des champs de bouées appartenant à des concessions. Le tarif est généralement calculé à la longueur du bateau ; il faut compter environ 3€ par mètre de bateau pour les bouées dans les zones touristiques. Le paiement est souvent collecté par un agent qui passe en annexe le soir ou le matin. Refuser de payer vous expose à une amende et à l’obligation de quitter les lieux.
Simplification administrative : la fin de la vignette
La Croatie a considérablement allégé les formalités pour les plaisanciers. Alors qu’il fallait auparavant présenter une liste d’équipage certifiée et coller une vignette sur le bateau, ces obligations ont été supprimées. Aujourd’hui, le skipper doit simplement se présenter au bureau du port le plus proche à son arrivée dans les eaux croates pour régler la taxe de navigation. Les principaux ports d’entrée permanents où effectuer cette démarche sont Umag, Poreč, Rovinj, Pula, Rijeka, Mali Lošinj, Zadar, Šibenik, Split, Ploče, Korčula, Vela Luka, Ubli et Dubrovnik. Cette simplification rend l’entrée dans le pays beaucoup plus fluide et rapide.
Enfin, une attention particulière doit être portée aux parcs nationaux (Kornati, Mljet, Brijuni) et aux parcs naturels (Telašćica). L’accès et le mouillage y sont strictement réglementés et payants. Les tickets peuvent souvent être achetés en ligne à l’avance à un tarif préférentiel, ou directement sur place auprès des gardes du parc, mais à un prix majoré. Tenter de s’y soustraire est une très mauvaise idée, les contrôles étant fréquents et les amendes dissuasives.
En respectant ce cadre, vous pourrez profiter de la beauté exceptionnelle de ces espaces protégés en toute légalité, alternant entre la liberté des mouillages forains et les zones organisées.
Une semaine de rêve depuis Split : un itinéraire 100% mouillages
Comment mettre en pratique cette philosophie du bivouac nautique sur une semaine de location classique au départ de Split ? La réponse est simple : en définissant un « anti-itinéraire ». Plutôt que de tracer une ligne rigide de Split à Hvar puis Vis, définissez une « zone de jeu » réaliste et riche en options. Le triangle d’or formé par les îles de Šolta, l’ouest de Brač et le nord-ouest de Hvar est un terrain de jeu parfait pour les débutants et les familles. Cette zone, dans un rayon de 15 à 20 milles autour de Split, regorge de dizaines de criques, de baies et de konobas, offrant une flexibilité maximale.
L’idée est d’adapter son programme au jour le jour, en fonction de trois critères : la météo, la fréquentation observée et l’humeur de l’équipage. Un jour, vous opterez pour une crique sauvage sur la côte sud de Šolta pour une nuit sous les étoiles ; le lendemain, vous préférerez peut-être une baie plus animée sur Brač avec une petite plage pour les enfants, où passe même le « bateau-supermarché » pour le ravitaillement. Cette souplesse est le vrai luxe. Elle permet d’éviter les « autoroutes de la plaisance » et de découvrir des pépites ignorées des guides, même en plein mois d’août.
Voici un exemple de trame, à considérer comme une suggestion flexible plutôt qu’un plan de route :
- Jour 1 (Samedi) : Départ de Split en milieu d’après-midi, cap sur une konoba-mouillage sur Šolta (comme Sesula ou Jorja) pour une première nuit paisible et un dîner typique.
- Jour 2 & 3 (Dimanche-Lundi) : Exploration de la côte sud de Šolta, alternant entre des criques totalement sauvages pour le mouillage nocturne et des baies plus ouvertes pour les baignades de la journée.
- Jour 4 & 5 (Mardi-Mercredi) : Courte traversée vers l’île de Brač. Découverte des baies cachées autour de Milna et possibilité de ravitaillement grâce aux bateaux-épiceries des enseignes Studenac ou Tommy.
- Jour 6 (Jeudi) : Navigation tranquille vers la côte nord de Šolta, avec un dernier mouillage dans une grande baie abritée comme Nečujam, célèbre pour son épave sous-marine facile à explorer.
- Jour 7 (Vendredi) : Dernière matinée de baignade avant un court trajet retour vers la marina de Split pour la restitution du bateau.
Pour mieux situer les différentes options de navigation au départ de Split, ce tableau comparatif peut vous aider à choisir la zone qui correspond le mieux à votre niveau et à vos envies.
| Zone | Distance moyenne/jour | Points forts | Niveau requis |
|---|---|---|---|
| Triangle Šolta-Brač-Hvar | 17-18 milles | Variété maximale, konobas nombreuses | Débutant |
| Nord Dalmatie (Kornati) | 25-30 milles | Parcs nationaux, îles sauvages | Intermédiaire |
| Sud vers Dubrovnik | 45-50 milles | Grandes traversées, sites UNESCO | Confirmé |
| Îles proches (1 weekend) | 10-15 milles | Détente, peu de navigation | Famille |
En remplaçant la rigidité d’un plan par la liberté d’une zone de jeu, vous transformez une simple location en une véritable aventure sur mesure.
La Méditerranée : le guide honnête pour en profiter au maximum (et éviter ses pièges)
Si vous souhaitez bouffer du mille, ce n’est pas en Croatie qu’il faut aller, tant les petits mouillages sympathiques sont nombreux
– Navigateur français expérimenté, Forum Hisse et Oh – Guide de navigation en Croatie
Cette citation d’un connaisseur résume parfaitement l’esprit de la navigation en Croatie et met en lumière le principal piège qui guette le plaisancier : l’obsession de la distance. La Méditerranée, et particulièrement la Croatie, est une mer de l’hédonisme, pas de la performance. Vouloir « collectionner » les îles les plus célèbres en une semaine est la meilleure façon de passer à côté de l’essentiel. Cette approche, souvent encouragée par les guides touristiques généralistes, transforme la croisière en un marathon nautique stressant, fait de longues navigations et d’arrivées tardives dans des ports bondés.
Le véritable secret pour profiter de la Croatie, surtout en haute saison (juillet-août), est de penser « moins, c’est plus ». Au lieu de viser un parcours ambitieux, concentrez-vous sur une zone restreinte. L’archipel de Šibenik, le nord de l’île de Dugi Otok ou la région autour de l’île de Murter sont des exemples de zones moins fréquentées par les grandes flottilles de location, mais qui regorgent de criques désertes et de konobas authentiques. Il est tout à fait possible de trouver une solitude quasi totale même au cœur de l’été, à condition de fuir les « points chauds » comme Hvar ou les abords de Dubrovnik.
Le piège de la collection d’îles : témoignage d’un skipper
Un skipper français expérimenté met en garde contre la tentation de vouloir « cocher » Hvar, Korčula et Mljet en une seule semaine, une approche typique des itinéraires proposés aux touristes. Son expérience montre que cette course effrénée fait passer à côté de l’essence même du mouillage-bivouac croate. Il recommande vivement de privilégier une zone plus petite et de l’explorer en profondeur. En se concentrant par exemple sur l’archipel de Šibenik en plein mois d’août, il a pu fuir les concentrations de bateaux de location et découvrir chaque jour des criques quasi désertes, vivant ainsi une expérience bien plus riche et reposante.
Un autre piège méditerranéen est de sous-estimer la rapidité des changements météo. Le Bora peut se lever en quelques dizaines de minutes, transformant une baie paisible en un piège venté. Une bonne pratique est de toujours consulter plusieurs sources météo le matin et de garder un œil constant sur la formation des nuages sur les sommets des îles, un signe avant-coureur fiable.
En définitive, la clé du succès en Croatie est d’adopter un rythme plus lent, de privilégier la profondeur à la distance, et de rester humble face aux éléments.
Vivre en autonomie : la routine quotidienne pour ne jamais manquer d’énergie
La liberté du mouillage sauvage a un prérequis : l’autonomie. Vivre plusieurs jours loin de tout port demande une gestion rigoureuse des ressources du bord, principalement l’eau et l’énergie. Cette gestion n’est pas une contrainte, mais une routine simple qui, une fois adoptée, devient une seconde nature. Elle est la condition sine qua non pour s’affranchir des marinas. En effet, il est important de noter que selon les retours d’expérience des navigateurs français en Croatie, de nombreux petits ports de village ne disposent pas de prises de quai, rendant un bon parc de batteries et des panneaux solaires efficaces indispensables pour qui veut s’y arrêter.
L’eau douce est l’or bleu du bateau. La règle d’or est de la réserver exclusivement à la boisson, à la cuisine et à une douche très rapide. Pour tout le reste – vaisselle, nettoyage du pont, baignade – l’eau de mer est votre meilleure alliée. Embarquer un stock conséquent de bouteilles d’eau minérale est une sage précaution qui soulage la consommation des réservoirs du bord. Côté énergie, les panneaux solaires sont rois. Ils permettent de maintenir les batteries à un niveau de charge suffisant pour alimenter le réfrigérateur, l’éclairage et les instruments de navigation, sans avoir à faire tourner le moteur au mouillage – un sacrilège pour le silence de la crique.
La journée du « skipper-bivouaqueur » s’organise autour de cette quête d’harmonie et d’autonomie. Voici à quoi peut ressembler une journée type :
- Matin : Vérification des fichiers météo (Grib, Navtex) pour anticiper le Bora ou le Jugo. Analyse des cartes pour choisir les options de mouillage du soir dans un rayon de 20 milles.
- 10h-16h : Navigation courte de 2 à 3 heures, entrecoupée de multiples arrêts baignade dans des criques de passage, d’exploration à terre ou en annexe.
- 16h : Arrivée dans la zone de mouillage choisie. Prise de décision finale en observant la fréquentation et l’évolution météo locale.
- 17h maximum : Amarrage sécurisé pour la nuit, souvent avec un bout à terre pour une stabilité parfaite. Installation du taud de soleil, préparation de l’annexe.
- Soirée : Apéritif face au coucher de soleil, dîner à bord ou dans une konoba si une bouée gratuite est disponible.
- Gestion continue : Économie d’eau, surveillance de la charge des batteries, stockage des déchets dans des sacs hermétiques jusqu’au prochain passage dans un port équipé de poubelles.
Loin d’être une corvée, cette routine structure la vie à bord et renforce le sentiment de connexion avec son bateau et avec la nature environnante.
À retenir
- L’approche de l’« anti-itinéraire » : définir une zone de jeu flexible plutôt qu’un parcours rigide est la clé pour éviter la foule et découvrir des lieux uniques.
- La méthode de sélection de crique : attendre la fin d’après-midi et utiliser les indices sur les cartes marines permet de trouver le mouillage parfait chaque soir.
- L’autonomie comme condition de la liberté : une bonne gestion de l’eau et de l’énergie (panneaux solaires) est indispensable pour profiter des mouillages sauvages et s’affranchir des marinas.
Il n’y a pas de « meilleure » destination, il y a seulement celle qui est faite pour vous : le guide des grands bassins de navigation
La Croatie est un magnifique terrain de navigation, avec des mouillages extraordinaires de tous côtés
– Plaisancier français, Retour d’expérience après 103 jours de navigation
Le choix d’une destination de croisière est profondément personnel. La Croatie, avec son ADN tourné vers le mouillage-bivouac et la contemplation, ne conviendra pas à tout le monde. Le navigateur qui cherche à enchaîner les longues traversées au grand large ou celui qui privilégie les plages de sable fin à perte de vue trouvera peut-être son bonheur ailleurs, en Grèce ou en Turquie par exemple. Chaque grand bassin de navigation méditerranéen a sa propre personnalité, ses forces et ses faiblesses. La Corse séduira par sa nature sauvage et ses montagnes abruptes, mais demandera plus d’engagement face à une météo parfois musclée. Les Sporades grecques offriront un sentiment d’isolement plus prononcé, mais avec moins d’abris rapprochés.
La force unique de la Croatie réside dans cette densité exceptionnelle d’abris et de mouillages. Nulle part ailleurs en Méditerranée on ne trouve une telle profusion de criques, de baies et d’îlots permettant de changer de décor chaque jour sans jamais parcourir de longues distances. C’est la destination idéale pour le plaisancier contemplatif, la famille cherchant des baignades sûres et faciles, ou le couple en quête de tranquillité et d’expériences authentiques comme les dîners en konoba.
Ce tableau comparatif vous aidera à positionner la Croatie par rapport à d’autres destinations phares de la Méditerranée, pour vous assurer qu’elle correspond bien à votre profil de navigateur.
| Destination | Points forts | Points faibles | Profil idéal |
|---|---|---|---|
| Croatie | 1200+ îles, eaux cristallines, konobas authentiques | Flottilles nombreuses en été, mouillages payants fréquents | Contemplatif, amateur de criques rocheuses |
| Sporades (Grèce) | Moins fréquenté, plages de sable | Distances plus importantes, moins d’abris | Navigateur confirmé, recherche d’isolement |
| Côte lycienne (Turquie) | Sites antiques accessibles, prix attractifs | Formalités plus complexes, langue barrière | Aventurier culturel, budget serré |
| Corse | Proximité France, réserves naturelles | Vents plus forts, réglementation stricte | Navigateur expérimenté, amoureux nature sauvage |
Choisir la Croatie pour sa culture du mouillage, c’est opter pour une navigation à rythme lent, où le voyage importe plus que la destination. C’est une invitation à redécouvrir le plaisir simple d’être sur l’eau, en harmonie avec un environnement naturel d’une beauté à couper le souffle.